Posts mit dem Label La Salette werden angezeigt. Alle Posts anzeigen
Posts mit dem Label La Salette werden angezeigt. Alle Posts anzeigen

Mittwoch, Februar 28, 2007

Les apparitions d'Obermauerbach

Il y a cent trente ans (ce texte fut écrit en 1978, n.d.l.r.), la Vierge Marie renouvelait en Allemagne le prodige de La Salette, en venant se montrer à un jeune pâtre de treize ans, et dire le même message douloureux destiné aux hommes: cela eut lieu près de la localité d'Obermauerbach, hameau tout entouré de grandes forêts de sapins et de prés verts, dans les montagnes de la Haute Bavière.

C'était le 12 mai 1848, par une douce matinée de ces printemps alpestres tout embaumés des senteurs du sapin et des fleurs nouvelles qu'emporte la brise sur les hauteurs. Johann-Baptist Stichlmair sortit, comme chaque jour de la fermette paternelle pour conduire à la pâture les vaches du briquetier Lorenz Oswald, qui l'avait pris à son service. Johann-Baptist, garçon de treize ans, était très travailleur et très bon: dans le village, chacun l'aimait beaucoup et enviait aussi quelque peu ses parents d'avoir un fils si parfait!
Enfant sage, très calme, studieux à l'école tant qu'il y alla, élevé pieusement par de pauvres parents qui lui avaient transmis une profonde dévotion encore assez courante dans les campagnes bavaroises, Johann-Baptist se rendait régulièrement à l'église, priait et disait le chapelet et passait ses après-midi dans la forêt, avec ses bêtes, s'occupant à méditer et à chanter tout seul des cantiques.

En ce matin du 12 mai 1848, il se rendit dans une petite clairière isolée qu'il connaissait bien, et où il savait être tranquille et seul. Comme deux ou trois vaches s'écartaient du chemin, il les suivit en courant pour les ramener dans le troupeau et vit soudain devant lui, au milieu de la clairière à quelque trente pas, une Dame assise sur un tronc de sapin abattu. Vêtue d'une longue robe ample couleur de roses fraîchement écloses, elle pleurait, tenant ses mains cachées sous les plis d'un long voile qui couvrait sa tête et ses épaules d'un éclat immaculé et irisé, pour retomber jusqu'au sol. Elle portait, sur ce voile, une couronne d'or finement ciselée et plus brillante que le soleil, surmontée d'une haute flamme vive qui éclairait toute la clairière.
Johann-Baptist contempla cette merveilleuse et lumineuse apparition. Combien de temps? Il ne sut, par la suite, jamais le préciser, mais déclara sans hésitation que ce fut bien trop court. Puis il pensa soudain à ses vaches, se retourna pour regrouper le troupeau... Quand il voulut de nouveau poser ses regards sur la Dame, elle avait disparu. Au loin se fit entendre l'angélus de midi: le berger se mit à prier silencieusement, puis il regagna le village.

Johann-Baptist raconta sa vision au maître qui crut d'abord que le garçon avait dormi et rêvé. Car on ne pouvait un instant concevoir que le pâtre fût capable de mentir, tant il était honnête et bon. Le maître dut bien croire ce que lui disait l'enfant: il lui conseilla, au cas où l'apparition viendrait, peut-être, à se renouveler, de demander à la Dame qui elle était et ce qu'elle désirait. Et, dans la fin de l'après-midi, Johann-Baptist, qui était revenu garder ses bêtes au même endroit, revit l'apparition, encore plus éclatante de lumière: la Dame était assise près des arbres, sur le tronc abattu d'un bouleau. Johann-Baptist s'avança vers elle et vit qu'elle pleurait en silence. Son coeur battait, il était ébloui par toute la lumière qui lluminait la Dame: trois rayons très éclatants sortaient de son coeur, cachaient ses mains et ses pieds, se répandaient autour d'elle et enflammaient toute la clairière. Le petit pâtre comprit que ces trois rayons signifiaient le triple lien de Marie avec les trois divines Personnes, et il pria la Fille du Père Eternel, la Mère du Sauveur et l'Epouse Immaculée du Saint-Esprit. Alors la Dame parla d'une voix très suave, très harmonieuse, avec tristesse:

Approches-toi, cher Johann, ne crains rien! Ecoute bien ce que je vais te révéler, pour le répéter aux hommes.
Je ne peux plus retenir les grands fléaux, que Dieu veut envoyer aux hommes car ceux-ci ont sombré dans la méchanceté!
Seule une très grande pénitence peut encore les sauver et retenir la colère de Dieu...
Pourtant, une grande mortalité due à l'épidémie et à une grande guerre entre peuples décimera l'humanité, jetant les méchants à l'enfer et aussi portant les bons au ciel, pour y recevoir leur récompense.
As-tu bien compris ceci, mon cher enfant? N'oublie pas de le faire savoir aux hommes exactement comme je te l'ai annoncé.

Ayant donné ce grave message, la Mère de Dieu s'éleva dans le ciel, tandis que le petit pâtre la suivait du regard, les yeux remplis de larmes. Alors, la Vierge, très doucement, redescendit vers l'enfant, lui sourit affectueusement, puis remonta dans le ciel radieux: elle disparut dans une grande lumière qui éclaira la clairière et fut aperçue par une paysanne occupée un peu plus loin à faucher de l'herbe avec ses filles: leur témoignage confirma par la suite les déclarations de Johann-Baptist.
Celui-ci revint au village dans la soirée, mais ne dit rien à son patron, sinon qu'il avait revu les rayons lumineux et la Dame. Le lendemain, il put dès le matin se rendre à l'église: après la messe qu'il suivit avec son recueillement habituel, il révéla au curé Wiedemann les paroles de la Dame, puis, ensuite seulement, à ses parents. Le petit pâtre avait, bien qu'il fût très simple, un remarquable sens des priorités, un étonnant sesus Ecclesiae.

La nouvelle des apparitions se répandit bientôt dans toute la contrée, et des foules de pèlerins, de toutes les localités avoisinantes, affluèrent sur le lieu des apparitions et à la ferme Stichlmair pour y entendre le récit des faits de la bouche même du petit pâtre. Celui-ci avait été très ému par le sévère message de la Dame, et en fut malade pendant quelques temps.
Les pèlerins réduisirent en miettes le tronc de bouleau sur lequel la Dame s'était assise, chacun en emportant une parcelle comme précieuse relique. Dans les semaines qui suivirent les apparitions, il y eut plusieurs conversions jugées miraculeuses et de très grandes grâces de conversion. L'autorité religieuse, informée par le curé d'Obermauerbach, entreprit une enquête sur les faits: la déposition de Stichlmair, l'éloge unanime qu'on faisait de lui et les nombreuses grâces obtenues inclinaient la commission nommée par l'archevêque de Munich à croire en la réalité de ces apparitions, bien qu'une vive opposition se fît, comme deux ans plus tôt à La Salette, ressentir de la part de certains milieux, et du clergé notamment. Et, de même qu'à La Salette on avait imaginé la grotesque fable de Melle de Lamerlière, on prétendit ici qu'une servante de curé avait organisé une mise en scène qui pût abuser le petit pâtre innocent.

Ces ragots indisposaient les membres de la commission épiscopale et exaspéraient les pèlerins et le village d'Obermauerbach, dont les habitants pouvaient difficilement supporter que l'on mît en cause Johann-Baptist et sa famille. Le ciel allait se charger très vite de donner un démenti formel à ces calmonies: le vendredi 16 juin 1848, fête de saint Benno, patron du diocièse, une grande lumière apparut dans les nuages à 7 h. du soir, juste au-dessus du lieu des apparitions de la Vierge. Les nombreux pèlerins qui se trouvaient présents n'y firent d'abord pas attention: on croyait que c'était un effet du soleil couchant.
Mais cette lumière se déploya en une guilande: de légers nuages irisés formaient comme un portique à festons dans le ciel, et des boules de feu apparurent alors autour de ce portique, qui descendit lentement, jusqu'à la cime des sapins: les pèlerins regardaient cet étonnant spectacle avec surprise, et virent alors s'inscrire en grandes lettres de feu rouge vif le nom de JESUS qui étincelait sous le portique de lumière! Tous tombèrent à genoux, contemplant ce spectacle. Et ce saint nom disparut après quelques minutes, fisant place à une clarté éblouissante dans laquelle se montra la Vierge Marie, toute vêtue d'or et de lumière! Seize personnes purent contempler l'apparition qui se tenait silencieuse sous l'arche de lumière.
La nouvelle de cette troisième apparition eut un grand retentissment dans la région. Les pèlerinages, stimulés par l'événement, se firent plus nombreux. La commission d'enquête enregistra le prodige, qui calma les esprits troublés par une propagande adverse.
Chacun croyait dès lors que les apparitions de la clairière seraient rapidement reconnues, car les faits avaient pris une importance énorme et tout se conjugait pour une issue favorable imminente. Or le ciel allait encore donner des signes non équivoques de son intervention dans la clairière.

Le 28 juin, vers 16 H. 30, quarante personnes, ayant passé la journée en prière sur le lieu où les apparitions s'étaient manifestées, furent, une fois de plus, les témoins émerviellés d'une quatrième et dernière manifestation mariale.
Dans le ciel radieux, un nuage éclatant apparu au-dessu des sapins se changea bientôt en guilande de lumière aux teintes rouges, bleues et dorées, tandis que des boules de feu semblables à du verre, ou plutôt du cristal en fusion, descendaient sur la guilande lumineuse et s'y fixaient: et de nouveau la Vierge Marie se montra, dans cette guirlande aux lumières extraordinaires. Elle se tenait debout, et portait l'Enfant-Jésus dans ses bras. Vêtue d'or et de rose, elle avait sur la tête une couronne artistement ciselée, avec une flamme vive au milieu, qui projetait sa clarté sur toute la clairière. Elle se montrait donc cette fois comme Johann-Baptist avait pu la contempler le mois précédent.
Elle resta visible pendant de longues minutes, sans rien dire, présentant l'Enfant Jésus souriant. Puis elle disparut, enveloppée dans une vive clarté qui resta encore visible pendant quelques instants. Quarante prsonnes avaient pu la voir, émerveillées et très émues. Elles se rendirent au presbytère et, au bon curé ébahi, relatèrent cette apparition très significative. Le curé fit rédiger une relation des faits que signèrent tous les témoins et qui fut remise à la commission d'enquête. Celle-ci retint par ailleurs quatre cas de guérisons extraordinaires et les étudièrent dans le cadre de l'enquête. Les foules ne cessaient d'affluer, souvent conduites par le curé d'Obermauerbach et d'autres prêtres sur le lieu où la Vierge Marie s'était manifestée. On plongeait souvent les malades dans une petite fosse laissée dans le sol par la souche du bouleau abattu sur lequel la Vierge, à la seconde apparition, s'était assise, et que l'on avait débitée en fragments tout comme le tronc. C'est là que se produisirent les guérisons les plus belles.

Johann-Baptist fut de nouveau interrogé, par son curé tout d'arbord, puis par la commission d'enquête: son récit était invariable. Tous conclurent à la réalité de son témoignage. Enfin, au bout de trois mois, les pèlerinages furent officiellement autorisée, puis on envisagea l'érection d'un petit sanctuaire sur les lieux de l'apparition. En 1851, la chapelle consacrée à la Vierge Marie était terminée. La commission d'enquête ne donna pas de résultats publics, mais tout le clergé diocésain vint à Obermauerbach rendre hommage à la Reine du Ciel qui s'était manifestée là au pâtre Johann-Baptist Stichlmair. Enfin, moins de dix années après les faits, l'authenticité des apparitions était proclamée par l'archevêque de Munich.

Telle est l'histoire des apparitions de la Reine du Ciel à Obermauerbach, que l'on a rapidement appelé le La Salette allemand. Les analogies entre les faits d'Obermauerbach et ceux de La Salette sont étonnantes à plus d'un titre: dans les deux apparitions, qui se sont produites à deux ans d'intervalle, la Vierge est venue pour donner le même message: appel à la prière et à la pénitence, annonce de châtiments identiques: une grande mortalité et une guerre due à la Colère de Dieu. Dans les deux endroits, elle était assise, dans une lumière éclatante, et pleurait. Une étude poussée permetrait de dégager les points communs jusque dans les plus petits détails.
Les faits d'Obermauerbach eurent une très large audiance an Allemagne: ils semblent avoir ouvert en ce pays une série de grandes apparitions mariales, à tous points de vue comparables à celles qui firent à la fin du XIX° siècle de la France la terre de Marie et le phare mystique de l'humanité.
Johann-Baptist Stichlmair vécut retiré et humble après les apparitions: sa vie est très édifiante et ne ressemble en rien à l'existence agitée et même douloureuse des voyants de La Salette.
Cinq ans après Obermauerbach, la Vierge Marie a voulu se manifester une nouvelle fois assise dans la campagne et pleurant, en Italie cette fois: c'est à Ceretto qu'elle apparut à une bergère de treize ans, Veronica Nucci. Là encore, la forme de l'apparition, le message et les avertissments de la Vierge furent semblables à ceux de La Salette et d'Obermauerbach: ces faits constituent un triptyque dans les pays qui devaient, quelques années plus tard, être le théâtre de grandes luttes contre la foi catholique.
Les apparitions d'Obermauerbach annoncent aussi les faits de Marpingen (1876), où la Vierge Marie se présenta comme dans la dernière apparitions du hameau bavarois: vêtue d'or et portant l'Enfant-Jésus. Une étude approfondie permettrait de démontrer que Obermauerbach fut le prélude direct de Marpingen, et par là d'autres grandes apparitions allemandes, Heede et Marienfried notamment.

Christan Rouvières, "Rosa Mystica", Namur, Juillet-Août 1978

Montag, Februar 05, 2007

La Salette - Engerazhofen - Allgäu

Inneres der La Salette- und Beichtkapelle.
Fotokarte erhalten 1972 von Frau Ag. Kugler, Sonnenberg, CH-8370 Sirnach TG

La Salette-Kapelle Engerazhofen

Fotokarte erhalten 1973 von:
Frau Maria Mailänder, D-8961 Probstried bei Kempten, Allgäu

Augustinus Hieber, le saint curé de la Souabe

Padre Pio de Pietrelcina est, assurément, une des plus grandes figures de prêtre de notre temps, la plus grande peut-être. Les fidèles peuvent voir en lui l'accomplissement même de la grâce sacerdotale, ils ont pu contempler l'image du Christ, qui s'imprima avec le sang en cet homme exceptionnel: Padre Pio est le premier prêtre marqué visiblement des stigmates de la Passion. Cette année marquera, le 23 septembre, le dixième anniversaire - déjà! - de sa mort. (Ce text fut écrit en 1978!) Cette année nous rappelle également le décès d'un autre saint prêtre, moins connu certes, mais duquel le capucin italien disait avec respect et émotion qu'il était son aîné dans la sainteté: le Père Augustinus Hieber, humble curé allemand et contemporain de Padre Pio, comme lui mort en 1968.

Pfarrer Augustinus HieberAugustinus Hieber est né le 15 février 1886 à Strassdorf, près de Schwäbisch Gmünd, en Souabe du sud (Bavière). Ses parents étaient des paysans qui conservaient fidèlement l'héritage des traditons, de la foi et de la piété profonde caractéristiques de l'Allemagne méridionale. Cinquième enfant, fils unique, Augustinus connut une enfance laborieuse à l'ombre de la ferme paternelle. La famille entière était très unie et heureuse.
Il avait dix ans lorsqu'il entendit l'appel à la vie religieuse: c'était au cours des vêpres du dimanche. Il se tut tout d'abord et continua simplement de travailler avec son père. Quelques mois, paisibles et tout consacrés au travail, glissèrent sur ce secret qu'ils enveloppaient et préservaient efficacement. Un jour, comme il était à l'étable à soigner le bétail, l'enfant entendit de nouveau la voix mystérieuse: "Tu dois être prêtre."
Il en parla à son père. Il a souvent raconté, avec émotion, comment les mains du fermier se serrèrent l'une contre l'autre avec un tremblement et comment, pendant un temps assez long, aucun mot ne put sortir de la bouche paternelle. Finalement, le père le regarda gravement et dit lentement:

- "Mon garçon, je ne te dis qu'une chose: si tu dois être prêtre, sois un bon prêtre, sinon ne sois pas prêtre!"

Ses parents le firent entrer au lycée en 1896 à Schwäbisch-Gmünd. Il entra au séminaire de Rottweil en 1901, puis étudia la philosophie, quelques langues orientales et la philosophie à Tübingen et fut ordonné prêtre le 13 juillet 1910 par Mgr Paul von Keppler, évêque de Rottenburg.

Pendant plusieurs années, Augustinus Hieber a été un prêtre comme beaucoup d'autres apparemment: pieux, simple, bon, exerçant son ministère dans la Forêt-Noire, à Schramberg, puis à Stuttgart, où il fut chargé de la pastorale des jeunes et des malades, où il prit part à la construction d'églises, à l'animation de groupes et d'associations pieuses.
Ce furent des années d'intense labeur, qui se terminèrent brutalement en 1936 par une très grave maladie: une guérison prodigieuse étonna toute la paroisse et attira l'attention sur le pauvre curé, qui se trouva soudain en proie à une publicité des plus inopportunes. On parlait de miracle, quelques proches firent état de la vie intérieure du prêtre ou du moins de ce qu'ils en percevaient: on parla des heures d'adoration qu'il passait la nuit, près du tabernacle, de la lumière mystérieuse qui irradiait son visage pendant la messe, de sa confiante dévotion à la Vierge Marie et au Sacré-Coeur, tant et si bien qu'effarouché par ces bruits indiscrets et de plus en plus insistants, le curé demanda son changement de paroisse... et l'obtint aussitôt!
Augustinus Hieber fut nommé curé d'un hameau, au coeur de la montagne souabe: Merazhofen. C'est là qu'il passa le reste de sa vie, c'est là que sa sainteté se manifesta pleinement. Pendant quelques années, il put se consacrer de tout son coeur à sa nouvelle paroisse, pasteur et père comme rarement, de mémoire d'homme, on en vit là-bas. Come le bon curé était un saint, le village entier s'imprégna, de façon extraordinaire, de sa sainteté, et devint un haut-lieu de grâces. Le P. Hieber fut chargé de trois fonctions importantes qui furent, en quelque sorte, les instruments de son rayonnement: il eut la charge du Tiers-Ordre franciscain pour toute la région, la responsabilité du doyenné de Leutkirch, pour tout le clergé séculier, et fut nommé commissaire épiscopal pour ce même doyenné.
Comme sa réputation de sainteté se répandait, les visiteurs affluèrent: il les recevait tous et souvent très tard dans la nuit, opérant de plus en plus de prodiges, voire des miracles: conversions et guérisons se multiplaient sous sa bénédiction, il lisait dans les consciences, prophétisait comme malgré lui, jouissait d'une étonnante familiarité, si l'on peut en croire certains témoins, avec tout le ciel, avec les âmes du purgatoire... Il priait, sans cesse ni trève, le rosaire toujours en mains, passait des heures prosterné au pied de l'autel et abîmé en adoration. Il conduisait sa paroisse vers les sanctuaires de la région, en pèlerinages mémorables, notamment à une chapelle consacrée à Notre-Dame de La Salette, tout près de Merazhofen. Quand il put en 1956 conduire ses fidèles à Rome, puis à San Giovanni Rotondo auprès du Padre Pio, quelques personnnes qui priaient avec lui dans l'église N.D. des Grâces purent assister avec émotion à une très bouleversante scène, digne des fioretti. Le Padre fit appeler le P. Hieber auprès de lui. Recueilli, toujours plongé dans sa prière, l'humble curé alla auprès du vénérable stigmatisé, suivi de quatre ou sinq de ses paroissiens; au moment où il allait se mettre à genoux pour recevoir sa bénédiction, tout le monde vit avec édification le Padre lui-même se baisser et s'agenuiller devant le P. Hieber, pour en recevoir une bénédiction: après un bref assaut d'humilité de part et d'autre, le saint curé allemand bénit, par obéissance, le saint moine italien profondément incliné davant lui! Les amis du Père Hieber purent avoir alors quelque idée de la haute sainteté de leur pasteur, dont le stigmatisé dit à un groupe de pèlerins allemands:

- "Pourquoi venir si loin, alors que vous avez un si grand saint dans votre pays même?"

Le Père Hieber ne parlait jamais des grâces à lui faites par le ciel; tout ce que nous en savons est le fruit de confidences très rares accordées à quelques intime et révélées après sa mort. Par un témoin autorisé, nous savons qu'au cours du fameux pèlerinage de 1956 en Italie, le groupe fit étape, pour une journée et une nuit, au Mont-Gargan où se dresse l'un des plus anciens et vénérables sanctuaires dédiés à saint Michel. Le P. Hieber avait un culte tout particulier pour le grand archange. Et, bien sûr, il souhaitait célébrer une messe dans ce lieu sacré. Au cours de la nuit, tandis qu'il priait le saint archange d'étendre sa protection dans l'univers entier, le démon surgit davant lui, ivre de rage...
Pendant une heure, de minuit à une heure, des témoins épouvantés assistèrent au combat que Satan livraita au saint prêtre, tentant de le blesser, de le mettre dans l'incapacité de célébrer la messe à l'aurore; le diable criait, tempêtait, blasphémait avec une fureur inouie. Enfin, il dut céder devant l'archange triomphant que le saint prêtre ne cessa d'invoquer pendant tout le temps de la lutte. Nous ne connaissons que cet épisode de la bataille très acharnée et constante que l'ennemi livra au pauvre et saint curé tout au long de sa vie. Le P. Hieber n'en parlait jamais, il disait simplement que tout l'enfer se déchaîne contre un prêtre fidèle et que Satan n'a de cesse qu'il n'ait fait tomber le plus de consacrés, car il peut par eux perdre plusieurs âmes.

Le P. Hieber entretenait une délicieuse familiarité avec la très Sainte Vierge, dont il chanta les vertus et les gloires autant qu'il le put. Ses ouailles l'accompagnaient souvent dans les pèlerinages qu'il accomplissait à Engerazhofen, localité toute proche de sa paroisse et où la toute première église consacrée à Notre-Dame de La Salette avait, en 1866, été édifiée par la population et le curé. En 1954, il put se rendre sur la sainte montagne à l'occasion d'un pèlerinage diocésain. Marie parla alors à son coeur, lui disant:

- "Je suis la Mère du Bel Amour, de la Crainte de Dieu, de la Sagesse et de la Sainte Espérance, de la Vie et des Vertus."

Et elle lui conseilla de lui recommander tous ses enfants, lui promettant d'exaucer sa prière. A Lourdes, où il s'était rendu en 1952, le P. Hieber avait reçu également de mystérieuses faveurs de la Reine du Ciel, mais il n'en parla guère. Il semble qu'il jouissait de la présance constante de Marie, la voyant toujours à ses côtés et lui parlant avec sollicitude de ses ouailles, et l'entretenant avec simplicité et confiance de toutes ses affaires, de tous ses soucis. Et Marie aidait toujours, conseil ou mise en garde se succédaient et aidaient le bon curé à diriger sa paroisse. La Vierge Marie tenait une très grande place dans la vie du P. Hieber qui ne manqua jamais de réciter son rosaire quotidien, sujet fréquent de ses sermons dominicaux. Mais nul ne sait à quel moment précisément de sa vie le bon curé reçut les premières communications de la Mère du Bel Amour: sans doute en 1940, en pleine guerre, lorsqu'il prit courageusement l'initiative de sermons percutants qu'il prononça au sanctuaire de la Vierge de la Salette, à Engerazhofen.

Une autre dévotion très chère au saint curé a été celle de l'Enfant-Jésus, et ce d'autant plus à partir du moment où le divin Enfant manifesta avec éclat sa protection à son serviteur: c'était vers les années 1935-36, au moment où le régime voulut, pour en finir avec la religion, faire interdire le catéchisme à l'école et faire supprimer les croix, les images pieuses etc.... des salles de classe. Le P. Hieber, lisant la nouvelle dans le journal, dit avec calme: "Il faut redoubler de prière, car il en va de la vie intérieure de milliers d'enfants."
Son entourage s'inquiéta, on avait peur qu'un détachement de la Gesatapo vînt arrêter le pasteur, car il avait pris la ferme décision de maintenir à l'école du village toutes les croix et d'enseigner la religion, comme par le passé, malgré les ordres du gouvernement. Un jour, il fut question pour lui d'un contrôle par la Gestapo: c'était peut-être à une semaine de Noël, l'Enfant-Jésus était placé en évidence dans la crêche du presbytère. Comme toutes la localité était en effervescence et craignait de grosses représailles et l'arrestation du curé, des rumeurs angoissées circulaient, d'autant plus qu'à la suite de l'interdiction le P. Hieber, usant des pouvoirs que lui conférait sa charge de responsable du doyenné, avait exigé que les croix restent à leur place dans les 52 écoles du doyenné, que l'on poursuivît les cours de catéchisme et que l'on fît comme par le passé.
Le P. Hieber s'agenouilla devant la crêche du presbytère, un soir... Il commença une prière très instante à l'Enfant-Jésus, lui demandant de garder aux habitants la possibilité de pratiquer leur religion sans être importunés par le pouvoir civil.
Au bout de longues heures d'oraison, le curé, tout étonné, vit la statuette de l'Enfant-Jésus se dresser doucement et devenir éclatante de lumière, au point que le presbytère entier en était éclairé et réchauffé! Et l'Enfant-Jésus dit avec douceur:

- "Il ne vous sera fait aucun mal!"

Le lendemain même, les agents de la Gestapo! Ils frappent brutalement à la porte et se trouvent devant un homme serein, qui leur parle avec un tel accent d'autorité et de douceur que, tête basse et sans rien dire, ils s'en retournent incontinent. A la suite de ce fait, tout le doyenné connut calme, paix et confiance jusqu'à la fin de la guerre...

Une autre grande dévotion du saint curé était celle du Précieux-Sang: il se rendait souvent aux sanctuaires de Weingarten et d'Ottobeuron, qui ont la garde séculaire de reliques du Précieux-Sang du Rédempteur. Il associait cette dévotion à un grand renouveau de l'Eglise et du monde, prophétisant de façon constante que l'humanité sera purifiée comme au Déluge, mais par le Sang du Christ, et que tout sera régénéré par le Saint-Esprit, qui se répand à flots par ce divin Sang même. Quand le pape (Jean XXIII) fit publier les Litanies du précieux-Sang à l'intention de l'Eglise universelle, le saint curé s'écria avec joie et humour: "Ah, voilà que tout entre dans l'ordre! Le cher Saint-Père me permet, après tant d'années, de réciter tout haut cette si belle prière sans être exposé aux foudres de l'Inquisition!"

Le P. Hieber nourrissait également une grand dévotion aux saints, avec qui il entretnait toute la journée une étonnante familiarité: son patron, saint Augustin, et saint Nicolas de Flüe, venaient souvent l'encourager, le guider, l'assister. Et il recevait d'eux des lumières sur le sort des âmes: celles-ci venaient parfois directement à lui, pour demander des prières ou le remercier d'être délivrées du purgatoire grâce à son intercession. Toute sa vie de curé à Merazhofen est jalonnée de ces si réconfortantes lumières sur le sort des défunts et on venait souvent de loin pour le consulter sur ce point; mais il disait très souvent aux personnes: "N'oubliez jamais que Dieu est juste, cela doit à tout instant vous encourager dans le bien et faire croître en vous le désir de la perfecton!"

Le saint curé avançait cependant en âge: ses paroissiens s'étaient si bien habitués à lui qu'on le considérait presque comme immortel. Aussi, lors de sa dernière maladie, en décembre 1967, personne n'osait penser qu'il allait bientôt mourir. C'est, comme il l'avait annoncé, à la veille du tout premier vendredi de l'année 1968 (4 janvier) qu'il mourut, serein et sans agonie. Le village fut consterné, mais les habitants réagirent promptement et, actuellement, la tombe du vénéré curé est un lieu de pèlerinage, une oasis d'oraison pieusement entretenue par tous les villageois. Plusieurs guérisons étonnantes ont été attribuées à l'intercession du saint curé, qui continue de veiller du haut du ciel sur ses petits enfants... Il nommait ainsi tous les fièles, dans cet amour si grand qu'il vécut si fort.

Rosina Kling
Centre BETHANIA - Chaussée de Waterloo 25, B-5000 Namur, "Rosa Mystica", Mars-Avril 1978